Annoncé en grandes pompes par Mark Zuckerberg himself, le nouvel univers virtuel 3D de l’entreprise Facebook, qui se nomme désormais Meta (bien que le réseau social Facebook garde son nom d’origine), vous promet de vous plonger dans une nouvelle ère de l’Internet : celle de la réalité virtuelle, du rêve permanent et d’un monde sans limites.
Pourtant, cette proposition complètement folle semble, à mon sens, déjà has-been. Je vous explique pourquoi.
1- Premier mensonge : où est le matériel ?
Les vidéos de présentation du Metaverse et de ses différentes utilisations possibles dans la vie de tous les jours (faire des conférences en costume d’astronaute, faire une partie d’échecs ou de ping-pong dans la rue contre l’avatar d’un inconnu ou encore faire une séance de fitness avec un coach en réalité augmentée dans son salon) sont alléchantes.
Le tout a l’air d’une simplicité d’utilisation remarquable, d’une fluidité à toute épreuve et finalement d’un naturel déconcertant.
On ne peut pas condamner le Metaverse sur son côté ludique évident. Mais sur les vidéos, nos acteurs cobayes exécutent des mouvements sans aucun matériel. Alors qu’on sait que le Metaverse utilisera les technologies AR/VR avec des casques (ou plutôt des lunettes) virtuels connectés et même des outils de reconnaissance de mouvements des bras et des mains, voilà que nos joyeux comparses sont présentés libres de tout superflu technologique.
De ce point de vue, la vidéo se montre déjà légèrement de mauvaise foi.
2- Les univers parallèles : une utopie ?
On peut comparer le Metaverse de Facebook (pardon, de Meta) à un univers parallèle dans lequel tout serait possible et imaginable.
Si on se souvient du passé, on ne peut qu’être sceptique sur la viabilité d’un projet aussi monumental. Les trentenaires comme moi se rappelleront vaguement de Second Life, un jeu en ligne vous propulsant dans un monde en 3D (sans réalité virtuelle) comme si vous étiez un Sim’s vivant. Le succès a été retentissant et je me souviens du buzz que ça avait fait à l’époque. Je n’avais moi-même pas le PC nécessaire pour faire tourner la bête, gourmande en ressources.
D’accord, mais après ? Plus rien. Ça a fait boum, puis pschit. Circulez, il n’y a plus rien à voir. Et pourtant, à son point culminant, des millions de personnes étaient connectées simultanément sur cet univers parallèle.
Vous allez me dire : “Ouais, mais là, l’investissement n’est pas le même !”, et vous auriez raison, mais calmez-vous quand même. Pour moi, la proposition reste la même : vous immerger dans un ersatz de monde virtuel pour y mener une double vie sans contraintes physiques.
On pourrait également parler de l’expérience Playstation Home proposée par Sony, sorti en 2008. Qui s’en souvient encore ?
3- Et la technologie, ma p'tite dame ?
D’après moi, c’est le point le plus critique pour notre cher Zuckerberg.
Même s’il essaye de nous convaincre dans ses vidéos – avec un oeil aussi vif et sensible que celui d’un cyborg – que le monde entier a un rôle à jouer dans le Metaverse (qu’il compte d’ailleurs propulser d’ici 5 ans chez un milliard de petits êtres humains chétifs que nous sommes), Mark ne nous parle jamais de technologie pure.
Rappelons-nous qu’à l’heure actuelle, la réalité virtuelle n’intéresse que très peu de personnes.
Comme le dit très bien ce journaliste sur le plateau de 01TV : qui possède un casque de réalité virtuelle chez soi et l’utilise régulièrement ? Pour le moment, cette technologie ne transcende personne sur le long terme.
On ne parlera même pas de l’exemple des Google Glass, ces lunettes connectées, pourtant proposées par le géant Google au grand public. Un des pires échecs de la firme.
Nul doute que Meta en aura tiré les leçons pour l’avènement de ses lunettes connectées baptisées “Nazare Glasses” (que l’on ne voit jamais en présentation sur les vidéos). Ou pas ?
4- Mark Zuckerberg en plein trip d'acides ?
Nous sommes dans une période où les milliardaires nous proposent des projets absolument hallucinants. Pourtant, il serait présomptueux de les rejeter d’un bloc.
Elon Musk, souvent raillé par le passé, a prouvé avec Space X que certaines choses à priori impensables sont possibles rapidement. Je prends pour exemple ses fusées qui sont capables d’atterrir au point de départ, ou sa colonie de dizaines de milliers de satellites qui parcourent l’atmosphère. Le voilà en train de proposer de terraformer Mars à coup de milliers de bombes nucléaires et d’évoluer vers un monde transhumaniste.
Notre cher Mark Zuckerberg semble se fournir chez le même dealer de came, avec toutefois des ambitions (relativement) plus mesurées. Sont-elles pour autant réalisables ? Meta y croit dur comme fer, puisque 10.000 employés sur les 65.000 actuels de Facebook (en Europe) seront consacrés à la création du Metaverse, pour 10 milliards de dollars d’investissement total. Ca fait cher la dose. Va-t-on planer avec Mark ? Attention à la descente.
5- L'effet Wahou/Pschit
Je vous en parlais à ma façon avec l’exemple de Second Life. On ne peut pas contester que se plonger dans un monde virtuel est attrayant, voire même fantastique. Les possibilités nous échappent sans doute encore tant elles sont vertigineuses. De prime abord, nous serons sans doute tous enthousiastes et fascinés par de telles avancées. Et ensuite ?
J’étais fasciné à l’époque où Nintendo annonçait sa première Wii. Je me rappelle encore de ses vidéos de présentation où l’on voyait le joueur se cacher derrière son canapé pour ensuite shooter les ennemis à l’écran. L’effet “Wahou” que cela me procurait était incroyable. Même manette en main, c’était une expérience nouvelle et immersive.
La suite, on la connait. On se retrouve finalement assis sur son canapé, comme tout le monde, à gesticuler le poignet sur quelques centimètres pour lancer une boule de bowling qui fait strike à tous les coups.
Le même syndrome aura-t-il lieu pour le Metaverse ?
6- Facebook est gratuit, pas le Metaverse
Ne vous énervez pas, laissez-moi vous expliquer.
Non, Meta n’a pas annoncé de prix pour son expérience sociale immersive. Il sera gratuit pour tous. Mais gratuit comment ?
Si, aujourd’hui, n’importe quel quidam sur le globe équipé d’une connexion Internet à peu près correcte peut utiliser un réseau social, qu’en est-il de notre bon vieux Metaverse ?
Si la technologie embarquée n’a pas l’air de demander des ressources hardware de dingue (les graphismes étant à peine dignes d’une actuelle Playsation 5), on en revient toujours au même problème du matériel. Il faudra bien utiliser la reconnaissance faciale et des mouvements des membres supérieurs, posséder un casque ou des lunettes, etc.
Toutes ces technologies sont en cours de développement chez les plus grandes firmes du marché comme Apple ou Microsoft, mais il est difficile de croire que tout le monde pourra les acquérir, surtout dans les pays en développement.
7- Des situations grotesques
Vous allez croire que je me suis levé du mauvais pied ce matin ou que j’ai fait tomber ma tartine de confiture du mauvais côté, mais sachez que je ne mange que des flocons d’avoine (voilà sans aucun doute la phrase la plus constructive de cet article au sommet).
Je vais axer mon argument sur deux parties bien précises de la vidéo de présentation du Metaverse.
À un moment, on voit un groupe d’amis préparer une sorte de gâteau d’anniversaire virtuel et faire une surprise à un des avatars pour lui fêter l’heureux événement. Franchement… Qui croit à cette mascarade ?
J’imagine la personne ayant reçu l’invitation, assis sur son canapé, recevoir la notification sur son smartphone puis enfiler ses lunettes de réalité augmentée pour se retrouver dans un décor fluorescent. Autour de lui, les avatars de ses amis, connectés ensemble pour se réunir autour d’un faux gâteau géant. Que vous inspire cette scène ? Ringardise ou fascination ?
Personnellement, je préfère recevoir un simple message Facebook, mais peut-être ne suis-je pas la cible ? Cela m’intéresserait d’avoir votre avis sur la question en commentaires (n’hésitez pas, le but de cet article est aussi d’échanger nos points de vue).
Deuxième scène, celle de l’équipe de travail qui se réunit autour d’une table virtuelle. Je ne suis pas certain que le président d’une boîte soit très enclin à se voir représenté en tête cartoonesque avec ses employés. Il suffit qu’il y ait un bug et alors là, bonne ambiance ! Le patron se retrouve avec une tête d’ours en peluche en train de danser la salsa sur la table (comment çà je suis de mauvaise foi ?). Bref, le tout ressemble à un mélange des Sims et de Second Life sauce 3D. Déjà has-been avant l’heure ?
Des aspects encourageants
J’ai quand même noté de nombreux points qui me semblent à la fois réalisables, utiles, intuitifs et intéressants. Je vous en dresse une liste qui, comme l’article entier, relève d’une analyse personnelle basée sur la conviction profonde. Les voici, pêle-mêle.
Les jeux vidéos
Le loisir pur et dur a clairement sa place dans le Metaverse. Il n’y a qu’à voir l’engouement qu’a suscité le concert virtuel organisé dans Fortninte et qui a attiré 13 millions de personnes. Je pense qu’il y a clairement un gros potentiel dans cette direction.
Le bien-être
Un des domaines qui fonctionne le plus actuellement sur Youtube est le coaching sportif. Personnellement, je m’imagine très bien remplacer mon iPad posé par terre faisant défiler des vidéos par une paire de lunette légères me permettant d’afficher le coach en 3D pour bien reproduire ses mouvements (quand les avatars seront photoréalistes, chose que promet, à terme, Mark Zuckerberg). On peut appliquer ça à tous types d’exercice ou de pratique de bien-être comme le yoga ou la méditation, et faire ses exercices avec des amis pour rompre la solitude et éviter de payer la salle de sport.
L'éducation
On peut facilement s’imaginer que les cours en ligne, maintenant entrés dans les moeurs, puissent être exécutés en live et en trois dimensions.
De l'emploi en France
Je ne vais pas parler du Metaverse en lui-même mais plutôt de l’annonce de Meta de créer 10 000 emplois qualifiés en Europe de l’Ouest pour mettre en route son projet pharaonique. La France faisant partie des pays cités, créer de l’emploi dans notre pays est un facteur non négligeable de satisfaction.
Dernière nuance
Il va de soi que Meta n’investit pas autant d’argent et de temps pour quelque chose qui n’a pas été étudié de long en large.
S’ils foncent dans cette direction, c’est qu’ils se disent que la tendance qu’ils vont créer va être une véritable révolution numérique, comme l’a été l’avènement des réseaux sociaux avec Facebook.
Ou alors est-ce un pari fou face au déclin naissant du réseau social et à ses problèmes de confidentialité des données ?…